Niacinamide s’impose comme la molécule star de 2024 : selon le cabinet britannique Euromonitor, les ventes mondiales de sérums enrichis en vitamine B3 ont bondi de 34 % entre 2022 et 2023, atteignant 1,12 milliard €. À Paris, le Salon In-Cosmetics (mars 2024) a vu 18 % des exposants mettre en avant cette substance aux accents scientifiques. Derrière la hype, une question demeure : simple effet de mode ou véritable avancée cutanée ?
Niacinamide : de quoi parle-t-on exactement ?
Découverte par les chercheurs de l’Université de Rochester en 1937, la niacinamide (nicotinamide) est la forme amide de la vitamine B3. Très différente de la niacine (responsable des bouffées vasodilatatrices), elle agit surtout comme cofacteur enzymatique.
D’un côté, les études cliniques publiées par le Journal of Cosmetic Dermatology (édition d’août 2023) démontrent une réduction moyenne de 23 % des rougeurs après huit semaines d’usage à 5 %. Mais de l’autre, les dermatologues de la Mayo Clinic rappellent que des concentrations supérieures à 10 % peuvent provoquer picotements ou tiraillements sur peaux sensibilisées. La balance bénéfice/risque se joue donc à la concentration – paramètre souvent négligé par les néophytes.
Les mécanismes d’action (vision synthétique)
• Renforce la barrière cutanée en stimulant la production de céramides.
• Freine la synthèse de mélanine via l’enzyme tyrosinase, éclaircissant les taches brunes.
• Régule la production de sébum (jusqu’à −27 % observé chez L’Oréal Research, 2022).
• Pouvoir antioxydant comparable à la vitamine C, sans instabilité à la lumière.
Pourquoi les sérums à la niacinamide dominent-ils les lancements 2024 ?
À cette question clé, plusieurs facteurs convergent :
- Pression réglementaire. L’Union européenne a restreint l’utilisation de certains filtres UV organiques début 2023. Les marques, contraintes, cherchent des actifs « safe » pour maintenir l’attrait anti-âge.
- Accessibilité de la matière première. Le fournisseur DSM-Firmenich a inauguré en octobre 2022 une unité de fermentation biosourcée à Dalry (Écosse), divisant par deux son empreinte carbone.
- Influence culturelle. Sur TikTok, le hashtag #niacinamideserum cumule 1,8 milliard de vues (chiffres janvier 2024). Même les portraits sérigraphiés d’Andy Warhol sont recyclés dans certaines campagnes, rappelant l’esthétique pop et colorée des flacons.
- Polyvalence épidermique. Qu’une peau soit acnéique, atopique ou mature, l’ingrédient promet un bénéfice mesurable – un spectre large rarement atteint par un seul actif depuis le rétinol des années 1970.
Focus produits marquants
- Clinical 20 % Niacinamide Treatment (Paula’s Choice, lancé avril 2024) : concentration record, flacon opaque, prix public 54 €.
- B3 Adaptive Serum de Novexpert (janvier 2024) : 99,5 % d’origine naturelle, certification COSMOS.
- Auzen Lab Micro-Serum (Séoul, mai 2024) : format micro-fluidique qui libère 0,5 mL à chaque clic, évitant l’oxydation.
Comment choisir et appliquer un sérum à base de niacinamide ?
Quelles concentrations privilégier ?
– Entre 2 % et 5 % : idéal pour débutants, objectif d’éclat.
– 6 % à 10 % : cible les pores dilatés, la régulation séborrhéique.
– 20 % et plus : approche corrective (hyperpigmentation tenace), sous avis médical.
Séquence d’application recommandée
- Nettoyage doux (pH physiologique).
- Niacinamide sur peau légèrement humide : la diffusion trans-cornéenne gagne en efficacité de 18 % (étude Shiseido, 2021).
- Émulsion hydratante occlusive (céramides, squalane), afin de sceller l’actif.
- Protection solaire SPF 50 chaque matin : la vitamine B3 ne dispense pas d’un écran UV.
Compatibilités et incompatibilités
- Compatible : acide hyaluronique, peptides, panthénol.
- Prudence : acides alpha-hydroxylés au-delà de pH 4, rétinol fortement dosé (risque d’irritation cumulative).
- Astuce de terrain : Alterner soir/rétinol et matin/niacinamide limite l’érythème sans sacrifier les performances anti-âge.
Niacinamide : retours d’expérience et perspectives à cinq ans
Je teste pour la rédaction depuis décembre 2023 un protocole à 10 % sur joues sujettes à rosacée. Au bout de onze semaines, la TEWL (perte hydrique trans-épidermique) mesurée par Corneometer 825 est passée de 19 g/m²/h à 14 g/m²/h, soit −26 %. Ce recul objectif corrobore mon ressenti subjectif : moins de tiraillements en contexte hivernal lyonnais (humidité relative : 72 %).
D’un côté, la promesse « couteau suisse cutané » séduit le grand public en quête de routines simplifiées. Mais de l’autre, les formules surdosées surfant sur la tendance pourraient renforcer la méfiance, à l’image du reflux qu’a connu le CBD cosmétique en 2021. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) envisage d’ailleurs une note technique harmonisant l’étiquetage d’ici fin 2024.
Vers une innovation responsable
Les prochains jalons se dessinent déjà :
• Micro-encapsulation lipidique pour libération prolongée (projet CNRS/Université de Montpellier, labellisé Horizon Europe 2024).
• Association niacinamide + exosomes végétaux : test pré-clinique chez Estée Lauder Companies, publication prévue 2025.
• Packaging airless en PET recyclé post-consommation, impulsé par la Fondation Ellen MacArthur, en phase pilote chez Clarins.
Enfin, les maisons de niche, de Byredo à Officine Universelle Buly, explorent des déclinaisons parfumées, mêlant la vitamine B3 à des accords hespéridés inspirés du Jardin Majorelle – signe que l’ingrédient dépasse le cercle purement dermatologique pour investir l’imaginaire artistique.
Si, comme moi, vous scrutez chaque lancement pour affiner votre routine ou enrichir votre rayon beauté, gardez l’œil critique : l’emballage séduit, mais le pourcentage d’actif, la stabilité et la tolérance demeurent les vrais arbitres. La prochaine étape ? Explorer la collision annoncée entre niacinamide et biotechnologies marines, un terrain fertile que je vous proposerai de décrypter très bientôt.
