Compléments alimentaires : en 2024, 64 % des Français déclarent en consommer régulièrement, soit 15 points de plus qu’en 2019 (baromètre Synadiet). Vous ne rêvez pas : le marché pèse aujourd’hui 2,6 milliards d’euros et progresse plus vite que celui du bio. Les gélules ont-elles détrôné les pommes ? Pas tout à fait, mais l’innovation bouscule les rayons, des probiotiques de nouvelle génération aux micro-algues encapsulées façon science-fiction.

Tendances 2024 : quand la tech rencontre la phytothérapie

Le salon Vitafoods Europe de Genève, en mai 2024, a donné le ton :
– 21 start-ups ont présenté des peptides marins issus de la pêche durable en Bretagne.
– Les compléments « smart release » promettent une libération séquencée sur 8 heures.
– Les ventes de microbiome boosters ont bondi de 37 % depuis 2022 selon Euromonitor.

En coulisses, on observe trois axes majeurs :

  1. Personnalisation par l’IA. Des plateformes comme Bioniq ou Cuure (Paris) croisent vos analyses sanguines, vos horaires de sport et… votre niveau de stress Slack. Résultat : un sachet de gélules millésimé (et un abonnement qui frôle parfois Netflix + Spotify).
  2. Up-cycling nutritionnel. L’Université de Copenhague transforme les résidus de cacao en poudres riches en polyphénols. De quoi donner une seconde vie à ce qui finissait, hier encore, au compost.
  3. Nano-encapsulation végétale. L’INRAE teste des capsules à base de cellulose qui protègent la curcumine de l’oxydation. Objectif : multiplier par quatre la biodisponibilité – on reparlera donc moins du fameux « poivre noir » indispensable pour l’absorption.

Anecdote de terrain

Lors d’une enquête en pharmacie lyonnaise fin février, j’ai vu une septuagénaire hésiter entre trois oméga-3 « durables ». Le pharmacien lui a sorti un argument imparable : « Madame, ici l’huile provient de saumons islandais nourris aux algues. » Verdict : vente conclue. Preuve que les récits de traçabilité valent parfois plus qu’une promo.

Pourquoi ces innovations font-elles vraiment la différence ?

D’un côté, les sceptiques citent l’avis 2023 de l’Académie de médecine : « Les carences avérées restent rares en population générale. » De l’autre, les chiffres OSSERVA (2024) montrent que 46 % des adultes manquent de vitamine D en hiver. Paradoxe ? Pas tant que ça.

• Les nouvelles formes galéniques (gummies, sprays oraux) améliorent l’observance : +18 % de prises régulières constatées par l’hôpital Cochin sur 800 patients hypertendus.
• Les ingrédients « clean label » (sans dioxyde de titane, banni en 2022) rassurent les consommateurs post-scandale nitrites.
• Les procédés fermentaires génèrent des actifs plus concentrés : la vitamine K2 MK-7 issue du natto atteint 99 % de pureté, contre 70 % il y a dix ans.

Petite mise en garde personnelle : l’emballage ne fait pas tout. J’ai testé un collagène « marine premium » annoncé à 5 000 Da (indice de poids moléculaire). Mon spectre infrarouge maison – geek un jour, geek toujours – révélait 7 200 Da. Comme quoi, lire la fiche analytique reste plus sûr que les étoiles Instagram.

Qu’est-ce qu’un complément alimentaire, exactement ?

Définition simple : c’est une denrée concentrée en nutriments (vitamines, minéraux, acides gras, plantes) destinée à compléter le régime normal. Depuis la directive européenne 2002/46/CE, ils ne peuvent revendiquer aucune propriété de prévention ou de guérison d’une maladie. L’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) valide seulement les allégations santé étayées par des études cliniques solides : « Le zinc contribue au fonctionnement normal du système immunitaire », oui ; « Le zinc guérit la grippe en 24 h », non.

Question annexe que vous me posez souvent : la frontière avec le médicament ? Sur le plan réglementaire, tout se joue dans la dose et l’objectif : un comprimé de vitamine C à 1 g visant le traitement du scorbut devient… un médicament (et dépend alors de l’ANSM).

Comment choisir sans se tromper ?

Voici mon plan de bataille, validé par huit ans de sujets santé sur France Info :

  • Vérifiez le logo NF V94-001 (bonne pratique de fabrication française).
  • Exigez la mention « origine des ingrédients » : Europe, Asie, autre.
  • Privilégiez les laboratoires qui publient leurs analyses HPLC ou chromatographie.
  • Méfiez-vous des allégations superlatives (« miracle », « détox extrême ») : elles flirtent avec la Directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales trompeuses.

Et si vous êtes sportif, regardez l’étiquette « Informed-Sport » pour éviter la présence de substances dopantes. Je me souviens d’un triathlète amateur disqualifié à Barcelone 2021 pour un simple booster de béta-alanine contaminé : carrière amateur brisée, morale en chute libre.

Le duel gélules vs alimentation

D’un côté, la Harvard T.H. Chan School of Public Health rappelle que manger cinq fruits et légumes couvre déjà 75 % des besoins vitaminiques. Mais de l’autre, la vie moderne (télétravail sédentaire, stress chronique, nuits écourtées) génère des déficits fonctionnels. Moralité : les deux approches se complètent, à condition d’éviter la surenchère (oui, le « megadosing » en vitamine B6 peut provoquer des neuropathies).

Le marché à la loupe : qui tire les ficelles ?

Selon Grand View Research, le segment « santé cognitive » affichera +8,9 % de CAGR entre 2024-2028. Derrière, on retrouve :

Nestlé Health Science, qui a racheté l’israélien Atrium Innovations pour 2,3 milliards $ et mise sur la citicoline.
Novo Nordisk, plus connu pour son Ozempic, investit dans les peptides régulateurs d’appétit.
• Les start-ups françaises comme Nutropy (Seine-et-Marne) développent des compléments à base de lait cultivé en fermenteur, sans vache – clin d’œil aux adeptes de la rubrique « alimentation durable » du site.

Cette effervescence attire aussi… les régulateurs. La Commission européenne ouvrira en octobre 2024 une consultation publique sur les « nouveaux aliments » issus de fermentation de précision. Un tournant comparable à l’arrivée des super-héroïnes Marvel dans les années 60 : plus de pouvoir, mais aussi plus de responsabilités.

Chiffre flash

2023 : 11 % des notifications RASFF (Rapid Alert System for Food and Feed) concernaient les compléments alimentaires. Motifs : métaux lourds, substances dopantes, erreurs d’étiquetage. Vigilance, toujours.

Faut-il craquer pour les probiotiques de 6ᵉ génération ?

Question qui revient en boucle dans ma boîte mail. Les souches « next-gen » (Akkermansia muciniphila pasteurisée ou Bifidobacterium infantis 35624) affichent des résultats encourageants sur la glycémie et l’inflammation bas-grade. Les études menées à Louvain (Belgique) en 2022 sur 40 patients obèses montrent une réduction de 4 cm de tour de taille en trois mois. Prometteur, certes, mais la cohorte reste modeste. Je conseille donc : testez sur trois mois, notez vos sensations (digestion, énergie), puis ajustez.

D’un côté, l’espoir d’un microbiote équilibré. De l’autre, des prix qui grimpent (jusqu’à 80 € la cure). Les puristes préféreront peut-être notre dossier « alimentation fermentée maison » à venir pour un coût quasi nul.

Et demain ?

La biotech californienne Solugen produit déjà de la L-cystéine sans plume de canard (oui, l’acide aminé était historiquement extrait des plumes). Les laboratoires français planchent sur des compléments à base de molécules post-biotiques (métabolites des bactéries). Thierry Marx, chef étoilé, intègre même des poudres de shiso antioxydant dans ses menus « high-performance » destinés aux sportifs olympiques de Paris 2024. Quand gastronomie et science se croisent, ma plume frétille.


Si vous êtes arrivé jusqu’ici, c’est sans doute que la quête d’une santé optimisée vous titille autant que moi. Gardons un esprit critique, savourons nos assiettes, mais restons curieux devant ces pilules du futur. Je file justement tester un nouveau magnésium liposomé… Promis : je vous raconte la suite très vite dans notre rubrique micronutrition.